Nash: « J’évolue dans un environnement hard »
« J’ai un homme dans ma vie »
Sonloué Flora Natasha est son nom à l’état civil. Mais pour les mélomanes, c’est Nash.Jeune chanteuse au style musical particulier fait de Rap et de Nouchi, Nash évolue dans un milieu de durs. Mais cela ne lui a pas enlevé sa féminité. Dans cet entretien, la go cracra du Djassa (la fille courageuse de la cité) comme elle se définit elle-même, se livre sans faux-fuyants.
Comment s’est faite ta rencontre avec le Rap ?
C’était à Man dans les années 96-97. A l’époque, j’étais au Cm2. J’ai été encouragée par mon grand-frère et influencée par Pris’K, mon idole.
Pourquoi cet intérêt prononcé pour le Nouchi ?
Au départ, je ne rappais pas en Nouchi.Je faisais comme Pris’k avec des textes très bien structurés, mais à un moment, il me fallait trouver ma voie. C’est ainsi que j’ai épousé le Nouchi, Certes, j’étais une go Ziguéi (Ndlr:dur de caractère), mais je ne parlais pas encore Nouchi ; donc il me fallait apprendre.
Ne crains-tu pas qu’on te classe dans la catégorie des délinquants et autres drogués?
Mon rap n’est pas du gangstar. A l’origine, le rap est une musique bien structurée. Elle éveille les consciences, donne des conseils même si dans l’histoire certaines expériences de rappeurs peuvent donner le sentiment que c’est une musique de délinquants, de drogués. C’est vrai que cette musique est plus une affaire de jeunes garçons, mais les femmes sont capables de beaucoup de choses aussi. Etant donné que j’ai grandi dans le ghetto, c’est normal que j’aie des manières un peu masculines, mais la musique est ouverte à tout le monde. Chacun a son mot à dire. C’est vrai que le Nouchi est un langage un peu fort et un peu dur. Mais, il est propre à la Côte d’Ivoire. C’est donc culturel.
Ton style vestimentaire est tout sauf féminin, pourquoi ?
Dire que j’ai un style masculin, c’est un peu fort. Mon style est plutôt sportif. Le milieu que je fréquente est un milieu de durs. Je ne vais pas me mettre en jupe pour y aller. Je m’habille en fonction de mon environnement qui est hard. J’ai joué aux billes, au foot avec les garçons. J’ai grandi dans un milieu de garçons donc, c’est normal que j’ai un style de garçon. Mais je ne peux pas cacher mon côté féminin. J’ai les binôgô (Ndlr : seins), le cra (Ndlr : fesses). Je ne peux rien cacher, c’est visible, je suis une femme avec tout ce que cela comporte.
Ne t’a-t-on pas traitée de lesbienne ?
Pour clouer le bec aux gens qui me traitent de lesbienne, j’ai présenté mon gars à la télé mais jusque-là certains continuent de croire que je suis « lélé » (Ndlr :lesbienne). Aussi, je préfère ne plus rien dire. D’ailleurs je n’ai pas à me justifier tous les jours. Je préfère vivre discrètement parce que notre milieu est dangereux. Je ne veux pas exposer ma vie. Il faut souvent laisser planer le mystère autour de soi. J’ai un homme dans ma vie. Les gens peuvent raconter ce qu’ils veulent mais je n’ai rien à me reprocher.
Que fais-tu en dehors de la musique ?
Je suis étudiante en anglais. Mais, la musique c’est le métier que j’ai choisi.C’est ma passion.
Comment arrives-tu à allier études et musique?
C’est difficile. Ça fait un bout de temps que je ne vais pas à la fac parce que je me concentre en ce moment sur ma carrière. Mais, je ferai tout pour peaufiner mon anglais parce que c’est important quand tu sors du pays.
Quels conseils peux-tu donner aux jeunes filles qui veulent te ressembler ?
Toute chose a une histoire et une explication. Lorsqu’on voit des filles qui s’habillent comme des hommes, il faut les approcher pour savoir ce qu’elles ressentent, ce qu’elles veulent devenir avant de les juger.Il ne faut pas les blâmer.Je dirai à ces jeunes filles qu’elles peuvent faire les choses telles qu’elles les ressentent, mais qu’elles n’oublient pas qu’elles sont des femmes. Ce n’est
pas parce qu’on est dans un mouvement qu’on doit faire n’importe quoi.Personnellement, je ne bois pas, je ne fume pas. Il ne faut pas oublier qu’on est appelée à se marier.De toute façon, quand un homme vient vers toi, tu peux être habillée en boubou, en pagne ou en pantalon, ce n’est pas ça le plus important.C’est ce qui est en bas de « hagnons »(Ndlr : vêtements) qui l’intéresse.
C’est le contenu qui est important. Il faut avoir un bon cœur et être tendre.
Quels que soient les « pandés » (les écarts de comportements), on reste des femmes. Qu’elles croient en elles, sachent où elles veulent aller et se battent pour y arriver.
Nash compte-t-elle avoir des enfants ?
« Boulé » ! (Ndlr : bien sûr). Je veux faire comme mes parents c’est-à-dire avoir deux garçons et deux filles.Mais, pour l’heure, je ne suis pas encore prête. Ça va venir et vous verrez. Vous êtes trop « kpakpato » (Ndlr:racontars).
Quand tu n’es pas en pantalon et en tee-shirt qu’est-ce que tu aimes mettre comme vêtement?
Je ne porte que ça. A la maison, je me mets souvent en culotte.
Tu ne comptes pas changer ?
Changer pour quoi faire? Je me sens bien comme ça. Le changement ne vient pas comme ça. Peut-être qu’avec le temps, je vais m’habiller autrement, mais pour l’heure, c’est mon style. Avant, j’avais toujours les cheveux courts comme un homme. Mais, j’ai commencé à me tresser parce que j’aime bien ça. Avant, j’avais un style très hard au plan vestimentaire avec les gros pantalons, mais de plus en plus je suis en prêt du corps. Donc, petit à petit, ça vient.
On ne t’a jamais vu maquillée…
Quand tu as l’habitude de te maquiller, tu as une certaine beauté mais le jour où tu ne le fais pas, on te trouve « gbante » (Ndlr: laide). Je préfère rester naturelle.Beaucoup de gens m’apprécient comme ça. Des gens disent que je suis plus jolie vis-à-vis qu’à la télé, ça me fait plaisir. J’aime les coiffures simples qui ne m’encombrent pas, j’aime que le vent me tape.
Tes rapports avec ton entourage…
Ma famille me soutient beaucoup. Si ce n’était pas le cas, je ne serais pas là.
Qu’est-ce qui te paît chez un homme ?
J’aime tout ce que mon homme a. J’aime quand l’homme respecte, quand il considère la femme.Je n’aime pas les gars profiteurs et les « môgô djantra »(Ndlr:hommes infidèles)
Tes difficultés et tes projets…
Plus on avance, plus les problèmes augmentent. Souvent les gens croient qu’on a beaucoup d’argent mais, j’ai aussi des problèmes financiers. Je n’ai pas encore atteint mon objectif. Concernant les projets, je viens de sortir l’album « Guédangué » (Ndlr: donnant-donnant), je suis entrain d’en faire la promo. J’ai un concert avec Nathalie Makoma avec qui j’ai signé une production. Je viens d’en signer avec Alpha Blondy…
Il se raconte que dans le show-biz, pour réussir, il faut s’adonner à l’homosexualité ou encore subir un droit de cuissage. Tu en sais quelque chose?
Oui. On en parle. Mais, en ce qui me concerne, on ne m’a pas « mougou » pour me soutra (Ndlr: Personne n’a eu des rapports intimes avec moi pour m’aider). C’est vrai qu’il y a déjà eu ce genre de propositions, mais c’est quand tu leur donnes l’occasion que les « môgôs » vont « djô » dans toi ; je suis fidèle. Et je crois en Dieu. C’est lui qui me fait avancer.
Francis Yao
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