Madame TOURÉ NASSÉNÉBA D.:« La beauté ne donne pas tout »
Elle a plusieurs casquettes. Maire d’Odienné et vice-présidente de l’Union des villes et communes de Côte d’Ivoire (Uvicoci), Elle a plusieurs casquettes. Maire d’Odienné et vice-présidente de l’Union des villes et communes de Côte d’Ivoire (Uvicoci), Touré Nassénéba Diané est la conseillère spéciale du président de l’Assemblée nationale chargée des affaires sociopolitiques. Ce n’est pas tout. La première magistrate de la capitale du Kabadougou est aussi membre de la fondation Children of Africa de la Première Dame Dominique Ouattara. A l’occasion de cet entretien, la jeune élue parle de sa région, de ses projets pour les femmes et n’hésite pas à aborder le chapitre de sa vie de foyer.
Avant d’entrer en politique, vous avez certainement eu une carrière professionnelle. Pouvons-nous la connaître ?
Aux Etats Unis, j’ai eu l’opportunité de travailler pour plusieurs grandes structures dont Comcass, la plus grande boîte de communication de la côte Est de l’Amérique. J’ai travaillé aussi au siège de la Banque mondiale à Washington. De la Banque mondiale, je suis rentrée au pays après 18 ans passés à l’extérieur. En Côte d’Ivoire, j’ai eu l’opportunité de travailler dans le milieu de la communication. J’ai été ensuite embauchée comme conseiller technique du ministre Ahmed Bakayoko. Après le ministère des Ntic, j’ai été embauchée à la Primature auprès du Premier ministre Guillaume Soro, comme conseiller technique chargé des Ntic. Nous avons travaillé aussi sur l’e-gouvernement. Après la crise, j’ai décidé de poursuivre ma carrière auprès du président de l’Assemblée nationale.
Qu’est-ce qui vous a motivée à faire de longues études alors qu’à une certaine époque, on disait que la femme n’en avait pas besoin vu qu’elle trouvera un homme pour l’épouser ?
C’est l’envie d’apprendre. La beauté ne peut pas tout donner. Elle s’effrite avec l’âge alors que le savoir est éternel. D’ailleurs, je suis en train d’apprendre les beaux-arts, la danse et l’arabe.
Depuis votre élection à la tête de la commune d’Odienné, votre vie n’a-t-elle pas changé ?
Non. Rien n’a changé. Le plus important est le fait que j’aie une vision. Je travaille avec mon équipe pour réaliser de grands projets pour Odienné. Nous nous battons pour assurer un développement harmonieux et durable à cette région.
Généralement en Afrique les femmes ont peur d’investir le terrain politique parce qu’elles jugent ce milieu dangereux. Comment êtes-vous arrivée là?
C’est un engagement auprès de mes parents et de ma région. Après mon long périple dans les grandes entreprises, au service de l’Etat, à la Primature, dans les différents ministères, à l’Assemblée nationale… j’ai voulu retourner à ma population ce qu’elle m’a donné en changeant l’allure de ma ville, en créant des opportunités de travail pour les jeunes de chez moi.
Selon vous, que faut-il pour que les femmes s’impliquent davantage dans la politique?
Il faut une grande campagne d’information et un soutien de l’Etat. Les femmes qui sont déjà en politique et qui occupent des postes de responsabilité doivent mener des campagnes à l’endroit des autres femmes pour qu’elles se battent pour plus de représentativité.
Votre conseil aux femmes qui veulent faire une carrière politique?
Elles doivent avoir les valeurs républicaines et les vertus nécessaires. Et la première vertu, c’est le don de soi. La volonté de changer les choses et se sacrifier pour les autres, il faut être généreux pour le faire. La femme a une nature passionnée et tout ce qu’elle veut faire, elle le fait bien. Je crois qu’elles peuvent changer nos villes en les rendant plus belles. Des études menées par les institutions de Bretton Woods ont montré que l’économie mondiale repose pour une grande part sur les femmes. En Afrique, la femme fait beaucoup. Pourquoi ne pourrait-elle pas être au niveau décisionnel?
Vu les difficultés que vivent les populations et le peu de moyens dont disposent les mairies, ne regrettez-vous pas souvent d’être revenue au pays ?
Non. Je n’ai aucun regret. Au contraire, je suis fière d’être revenue chez moi et de pouvoir contribuer à l’amélioration des conditions de vie de mes parents.
Votre localité, à l’instar de nombreuses villes de l’intérieur du pays, a été frappée de plein fouet par la crise militaro politique que le pays a traversé. Aujourd’hui à la tête de cette commune, que faîtes-vous pour lui redonner vie ?
La crise est passée. Depuis 2011, nous sommes en train de redécoller. C’est visible. L’Etat fait de son mieux avec le Programme présidentiel d’urgence (Ppu). Nous créons beaucoup d’activités pour augmenter nos recettes. C’est d’ailleurs le rôle de la mairie. Notre commune a beaucoup de potentialité de par sa position de ville frontalière. Nous sommes un grand carrefour commercial. Malheureusement, l’état des routes n’arrange pas les choses. Officiellement, on parle de 10 ans de crise, mais officieusement je dirai que nous avons connu 17 années de crise. En 36 mois, on ne peut pas régler tous les problèmes, mais il y a un effort qui est fait. La vie a repris à Odienné et la population est entrée dans ce moule de la normalité.
Quels sont les atouts touristiques d’Odienné?
A Odienné, nous avons beaucoup de sites qui font notre fierté. Entre autres, le mont Denguélé, l’hôtel des frontières… Il y a aussi plusieurs cours d’eau, des cascades, des pierres taillées, d’anciennes mosquées, des champs de baobabs…
Avez-vous des projets spécifiques pour les femmes afin de leur permettre de sortir définitivement de la pauvreté ?
C’est mon combat. A la faveur de la crise, il y a eu la naissance d’un nombre pléthorique d’Ong pour avoir le soutien des organismes internationaux. On a commencé à les regrouper. Et elles sont en train de travailler. J’ai promis aider les femmes à travers des microfinances. J’en ai déjà installé plusieurs. J’ai une deuxième vague à installer à hauteur de 10 millions FCFA au mois d’avril. Odienné compte aussi un nombre important de potières que nous aidons également. Nous sommes en train de traiter avec des structures qui travaillent en collaboration avec le ministère de l’Agriculture pour aider les femmes à se mettre en coopérative. Avec le travail du Ppu, les choses vont se faire graduellement. Odienné est à 900 Km d’Abidjan, si la voirie est bonne, l’acheminement des produits se fera plus facilement. Nous sommes en train de travailler mais étant donné que je suis la première femme maire d’Odienné depuis l’indépendance, c’est clair que les femmes attendent beaucoup de moi. Je veux tout faire pour les sortir de la pauvreté.
Au nord de la Côte d’Ivoire, on rechigne souvent à scolariser les filles. Avez-vous une stratégie pour remédier à ce problème?
Effectivement, les petites filles sont gardées pour la cueillette, la cuisine. Nous avons commencé une campagne fin 2013 pour la scolarisation de la petite fille. Aujourd’hui je peux vous dire qu’il y a une grande amélioration. Mais, il faut un suivi dans les villages et les campements. Lorsque vous passez dans les villages, les gens donnent l’impression de comprendre et d’accepter le message mais lorsque vous tourner le dos, ils font autre chose. Nous avons donc une cellule de veille avec le ministère de la Solidarité, de la Famille, de la Femme et de l’Enfant. Nous avons un regard particulier sur cet aspect et les résultats sont bons.
La Première Dame Dominique Ouattara a institué le Fonds d’aide aux femmes de Côte d’Ivoire (FAFCI). Avez-vous mené des démarches pour permettre aux femmes d’Odienné d’en bénéficier?
Oui, les femmes d’Odienné ont déjà bénéficié de 50 millions de FCFA dont la distribution a commencé en janvier 2014. Il y en a qui sont au stade de remboursement. Nous attendons la visite d’Etat du Président de la République dans la région du Kabadougou dont Odienné est la capitale pour bénéficier de la deuxième partie du fonds. Je voudrais profiter de votre micro pour remercier la Première Dame pour son soutien et ses conseils. Le monde est tellement difficile aujourd’hui que nous avons besoin de repères, de personnes qui nous inspirent. Et en la matière, Mme Dominique Ouattara m’apporte beaucoup. C’est une femme au grand coeur.
Quels sont vos goûts en matière de vêtements ?
J’aime les tenues vestimentaires africaines, mais je suis très ouverte d’esprit. Lorsque je suis en Europe, j’essaie de m’habiller africain, selon les aléas climatiques. En matière de vêtements, j’aime m’ouvrir aux autres cultures. J’adore la beauté. Pour moi, la femme, c’est la beauté et il n’y a pas de vilaines femmes.
Votre avis sur les mèches humaines ?
Si au plan sanitaire cela ne présente aucun risque, il n’y a pas de problème. Je pense que ce sont de nouvelles techniques de beauté avec lesquelles il faut compter.
Entre les tresses et les tissages, quelle est votre préférence ?
J’adore les tresses. Je les trouve plus sexy et plus originales. Elles font ressortir la beauté de la femme africaine. Les mèches et les tissages sont également beaux. Mais, je préfère ce qui est africain et ce qui met nos richesses en valeur. Malheureusement, je ne sais pas tresser.
Etes-vous prête à faire de la chirurgie plastique ?
J’ai un esprit ouvert sur ces questions. Je n’ai rien contre la chirurgie plastique. C’est une grande évolution dans le
domaine des opérations chirurgicales et de la santé. Si cela peut apporter un bienêtre à un individu, je ne suis pas contre. Personnellement si je sens le besoin de le faire, je n’hésiterai pas. A condition que cela n’ait aucune incidence sur ma santé.
De nombreux hommes trouvent les femmes artificielles avec leurs faux cils, faux ongles… Qu’en pensez-vous ?
Il est vrai qu’en toute chose l’excès nuit, mais lorsque les choses sont faites dans une certaine proportion, il n’y a pas de problèmes. C’est joli.
Quel est votre secret pour maintenir votre couple?
Nous communiquons beaucoup, mon mari et moi. Nous nous soutenons. Et pour y arriver, il faut s’aimer.
Combien d’enfants avez-vous?
J’ai trois enfants dont deux garçons et une fille.
La fête des mères revêt quel sens pour vous ?
C’est un jour qui est choisi dans le monde entier pour célébrer les mamans, mais je dirai que les mères, on les célèbre tous les jours.
Que souhaiteriez-vous qu’on vous offre à cette occasion ?
Je souhaiterais que mes enfants m’offrent beaucoup d’amour.
Un appel à lancer aux femmes de Côte d’Ivoire en générale et à celles d’Odienné en particulier ?
Je salue toutes les femmes de Côte d’Ivoire pour tous les combats qu’elles ont menés depuis les temps coloniaux
jusqu’à aujourd’hui. Je salue également toutes les femmes qui au plan politique nous ont inspiré. Notamment la Grande chancelière Dagri Diabaté, Hortense Aka Anghui et particulièrement la Première Dame Dominique Ouattara.
Ainsi que toutes ces femmes membres du gouvernement du président Alassane Ouattara pour le combat qu’elles mènent. A mes collègues élues, aux femmes d’Odienné…qu’elles soient prêtes pour le combat du développement.
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