Ghana : les associations craignent une hausse des grossesses précoces à cause du coronavirus
Tous les après-midi, Sarah Lotus Asare sillonne Chorkor. La militante de 25 ans a grandi près de ce quartier de pêcheurs du sud-ouest d’Accra, la capitale du Ghana, où le temps s’écoule au rythme du ressac. Elle y croise des jeunes femmes adossées au mur d’une petite cour. L’une d’elles, âgée de 19 ans, vient d’accoucher de son premier enfant ; une autre s’apprête à devenir grand-mère à 29 ans.
La plus jeune, 16 ans, est enceinte de cinq mois. Avant d’être confinée, cette dernière faisait des études pour devenir esthéticienne. Elle souhaiterait les reprendre après son accouchement, mais Sarah Lotus Asare est dubitative : « Malheureusement, la plupart des filles ne retournent pas à l’école », explique la jeune femme engagée auprès de l’ONG Basics International, une association active dans l’éducation des adolescents défavorisés. Selon des données de la Banque mondiale, environ 18 % des Ghanéennes âgées de 15 à 19 ans ont connu une grossesse en 2016. « La situation s’était un peu améliorée ces dernières années, notamment grâce à la gratuité de l’enseignement », souligne Muhammad Rafiq Khan, responsable du programme de protection de l’enfance au bureau ghanéen de l’Unicef : « Mais les mesures de confinement et la fermeture des écoles pour endiguer l’épidémie de Covid-19 risquent d’avoir des effets délétères. »
« C’est un environnement très difficile pour les jeunes filles »
Il est encore trop tôt pour mesurer l’ampleur du phénomène, mais d’après Martin Opoku Sekyere, un militant qui défend les droits des enfants, on observe déjà une hausse notable du nombre de grossesses chez les adolescentes dans la région Ashanti (centre). « En mars, neuf filles âgées de 15 à 19 ans sont tombées enceintes dans le district de Bosome Freho, contre 48 en mai. Il y avait même une fillette entre 10 et 14 ans », affirme-t-il, s’appuyant sur des données fournies par les autorités régionales. Le sujet est particulièrement sensible à Chorkor, qui compte déjà l’un des taux de grossesses précoces le plus élevé du pays. Avec ses baraques de fortune, le faubourg est l’un des plus pauvres d’Accra. Durement affectés par la concurrence de bateaux-usines qui ratissent les fonds de mer pour le compte de compagnies chinoises, ses habitants vivent sur le fil. « C’est un environnement très difficile pour les jeunes filles, alors certaines acceptent de faire les “jolies” pour des hommes plus aisés », regrette Sarah Lotus Asare.
Le Monde.fr
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