Honorine Adou (Présidente de l’AGnDR) : « L’éducation complète à la sexualité est importante pour la jeunesse »
Prévenir les grossesses précoces et leurs conséquences en matière de santé reproductive chez les adolescentes en Côte d’Ivoire. C’est dans cette optique que ‘’ loundaninfos.com’’ s’est entretenu avec Honorine Adou ,Présidente de l’AGnDR. Entretien
Quel est concrètement le rôle de l’AGnDR dans ce domaine de sexualité Juvénal ?
L’AGnDR (Action contre les Grossesses Non Désirées et à Risque) travaille fortement sur les questions de plaidoyers pour la prise d’une loi en vue de l’application intégrale du protocole de Maputo. Le protocole de Maputo a son article 14 demande aux Etats partie de prendre en compte les Soins Complet Axés sur la Femme avec pour point de mire les avortements sécurisés
Quels sont, selon vous, les droits en matière de santé sexuelle et reproductive des adolescent(e)s et jeunes ?
Les jeunes âgés de 10 à 24 ans représentent ¼ de la population mondiale. 90% de ces jeunes vivent dans des pays à revenu faible et moyen. Plus d’un tiers de la population en Afrique Subsaharienne est âgée de 10 à 24 ans. Travailler avec les jeunes signifie une réduction des taux de mortalité et de maladies actuelles et futures. Les jeunes d’aujourd’hui sont les parents, les enseignants et les leaders de demain. L’apport des services SSR aux jeunes satisfait un droit humain de base.
Les jeunes et adolescents ont droit à la vie, droit à la santé et donc droit à la santé sexuelle et de la reproduction sans aucune restriction.
Pourquoi l’éducation complète à la sexualité est importante ?
En Côte d’Ivoire, les adolescentes et les jeunes représentent une grande partie de la population. D’après le dernier RGPH 2014, les moins de 14 ans constituaient 42% de la population totale et les 15-34 ans, plus de 35% de celle-ci. Ces jeunes représentent un potentiel non négligeable pour le développement du pays. Pourtant, ils ont d’importants besoins non satisfaits en matière de DSSR et PF, que ce soit en matière d’accès aux services et produits ou de connaissances. Les jeunes filles sont souvent sexuellement actives tôt, y compris hors mariage, mais n’utilisent que très peu les méthodes modernes de PF. Seules 12% des filles de 15-19 ans ne désirant pas tomber enceintes utilisent une méthode moderne de contraception (Darroch et. al.,2016). Ces chiffres sont encore plus bas chez les filles mariées de la même tranche d’âge (7%). En résultent des grossesses précoces souvent non désirées, qui n’épargnent pas les jeunes filles scolarisées. Entre la rentrée 2016 et le mois d’avril 2017, 4471 cas de grossesses avaient été enregistrés dans le secondaire général en Côte d’Ivoire, contre 4054 au cours de l’année scolaire précédente. Ces grossesses précoces et non désirées ont d’importantes conséquences sur la scolarisation, l’accès aux opportunités économiques, le pouvoir décisionnel et la santé et le bien-être des filles. La faible utilisation de la PF et l’importance des besoins non satisfaits font largement écho à la prédominance des grossesses précoces et non désirées. Renforcer l’accès à la PF et à des informations et services de DSSR de qualité pour les adolescentes et les jeunes de Côte d’Ivoire est donc une priorité. L’éducation complète à la sexualité (ECS) est une stratégie à haut impact à cet effet.
Pourquoi la jeunesse a-t-elle besoin d’une éducation complète à la sexualité ?
Trop de jeunes reçoivent des informations confuses et contradictoires sur les relations et la sexualité lorsqu’ils passent de l’enfance à l’âge adulte. C’est pour cette raison que de plus en plus d’entre eux sont en demande d’informations fiables qui les préparent à mener une vie saine, productive et épanouissante. L’éducation complète à la sexualité répond à cette demande en permettant aux jeunes de prendre des décisions éclairées sur leurs relations et leur sexualité et en les aidant à s’y retrouver dans un monde où les violences basées sur le genre, les inégalités de genre, les grossesses précoces et non désirées, le VIH et d’autres infections sexuellement transmissibles (IST) présentent des risques graves pour leur santé et leur bien-être.
Que sait-on, dans les faits, de l’éducation complète à la sexualité ?
D’après le dernier RGPH 2014, les moins de 14 ans constituaient 42% de la population totale et les 15-34 ans, plus de 35% de celle-ci. Ces jeunes représentent un potentiel non négligeable pour le développement du pays.
De nombreux éléments témoignent de l’incidence de l’éducation à la sexualité sur le comportement sexuel et la santé. Ils révèlent que :
– l’éducation à la sexualité a des effets positifs, notamment en ce qu’elle accroît les connaissances des jeunes et améliore leurs attitudes en matière de comportements sexuels et reproductifs ;
– l’éducation à la sexualité (à l’école et en dehors) n’entraîne pas de hausse de l’activité sexuelle, des comportements sexuels à risque, ou des taux d’IST et d’infections par le VIH ;
– les programmes qui prônent uniquement l’abstinence se sont révélés inefficaces pour retarder le premier rapport sexuel, réduire la fréquence des rapports ou le nombre de partenaires sexuels, alors que les programmes visant simultanément à retarder l’activité sexuelle et à promouvoir l’utilisation du préservatif ou d’un moyen de contraception s’avèrent efficaces ;
– les programmes axés sur le genre sont considérablement plus efficaces que les programmes qui n’en tiennent pas compte lorsqu’il s’agit d’obtenir des résultats en matière de santé, tels que la réduction du taux de grossesses non désirées ou d’IST ;
– l’éducation à la sexualité a une plus grande incidence lorsque les programmes proposés à l’école sont accompagnés de services de santé adaptés aux jeunes et qu’ils font intervenir la participation des parents et des enseignants.
Pourquoi faut-il des Principes directeurs sur l’éducation à la sexualité ? Quelles sont les nouveautés des Principes directeurs révisés ?
Les Principes directeurs révisés permettront à leurs utilisateurs de :
– bien comprendre ce qu’est l’éducation complète à la sexualité, en quoi elle est nécessaire, et les résultats positifs qu’elle vise ;
– dissiper les malentendus et s’attaquer aux idées fausses sur l’objet et la nature de l’éducation complète à la sexualité.
– partager des données et des recommandations fondées sur la recherche afin d’orienter les décideurs politiques, les éducateurs et les concepteurs de programmes scolaires dans l’élaboration de programmes d’éducation complète à la sexualité de qualité ;
– mettre au point, en matière d’éducation complète à la sexualité, des programmes scolaires et des supports et programmes d’enseignement et d’apprentissage pertinents, fondés sur des données factuelles, adaptés à l’âge et au niveau de développement des jeunes, et tenant compte des spécificités culturelles ;
– mobiliser du soutien pour l’éducation complète à la sexualité au niveau des communautés et des écoles ;
– utiliser l’éducation complète à la sexualité pour accroître la sensibilisation sur les questions de santé sexuelle et reproductive pertinentes qui ont une incidence sur les enfants et les jeunes.
Pensez-vous qu’il est nécessaire d’enseigner la sexualité dès le bas-âge ?
64% des filles 15-19 ans ont eu des rapports sexuels 55% des filles 15-19 ans qui n’ont jamais été mariées ont déjà eu des rapports sexuels. L’ECS est une manière d’aborder l’enseignement de la sexualité et des relations interpersonnelles qui soit adaptée à l’âge, culturellement pertinente, fondée sur une information scientifiquement précise, réaliste et s’abstenant de jugements de valeur (Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture [UNESCO]/UNFPA, 2016). Elle promeut une approche de la sexualité fondée sur les droits humains et sur l’égalité de genre (UNFPA, 2017). Selon les pays et les régions, elle peut exister sous différentes dénominations (éducation à la santé de la reproduction, éducation complète à la sexualité).
Oui, il est important de préparer les ado de maintenant à la vie sexuelle. Si nous refusons de le faire la rue s’en occupera.
Des millions de filles sont forcées à accepter des relations sexuelles non consenties ou même le mariage, ce qui les met en danger de grossesses non désirées, d’avortements et d’accouchements à risque, ainsi que de contraction d’infections sexuellement transmissibles (IST), notamment le VIH. Quelles sont les stratégies qu’on doit mettre en œuvre pour améliorer la santé sexuelle et reproductive de ces mômes ?
- Mettre en œuvre une deuxième génération de PANB • Mettre en place des instances nationales multisectorielles de coordination
- Sécuriser et augmenter d’au moins 10% par an, la part contributive des gouvernements dans le budget alloué à l’achat des produits contraceptifs
- Impliquer les collectivités territoriales décentralisées dans la mobilisation des ressources
- Mettre en œuvre et/ou à passer à l’échelle les stratégies porteuses de délégation de tâches y compris sur les méthodes à longue durée d’action, les injectables et l’offre initiale de pilule
- Élargir l’offre de produits contraceptifs en introduisant par exemple les injectables nouvelle génération et en renforçant et/ou passant à l’échelle avec l’offre de PF postpartum
- Intégrer de façon systématique la santé de la reproduction des adolescentes et jeunes dans les curricula de formation scolaire
- Étendre l’offre de services adaptés aux adolescentes et jeunes aux formations sanitaires et aux infirmeries scolaires et universitaires
Créer plus de confidentialité / d’intimité dans les SSU SAJv
Améliorer la réception des jeunes et adolescents (tes)v
Communiquer sur la disponibilité des services et sur leur emplacementv
Comment améliorer le bien-être physique et mental des populations ?
La santé mentale est un état de bien-être dans lequel une personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif et contribuer à la vie de sa communauté. Dans ce sens positif, la santé mentale est le fondement du bien-être d’un individu et du bon fonctionnement d’une communauté. La santé et le bien-être mentaux sont indispensables pour que l’être humain puisse, au niveau individuel et collectif, penser, ressentir, échanger avec les autres, gagner sa vie et profiter de l’existence. C’est pourquoi, la promotion, la protection et le rétablissement de la santé mentale sont des préoccupations centrales pour les personnes, les collectivités et les sociétés partout dans le monde. La promotion de la santé mentale passe par des actions tendant à créer des conditions de vie et un environnement qui favorisent la santé mentale et permettent d’adopter et de conserver un mode de vie sain. Il existe ainsi un large éventail de mesures visant à augmenter la probabilité de voir plus de gens jouir d’une bonne santé mentale. Un environnement garantissant le respect et la protection des droits civils, politiques, socioéconomiques et culturels fondamentaux est indispensable pour promouvoir la santé mentale. Sans la sécurité et la liberté apportées par ces droits, il est très difficile de conserver une bonne santé mentale. Les politiques nationales de santé mentale ne doivent pas limiter leur champ d’action aux troubles mentaux. Il faut aussi qu’elles reconnaissent et prennent en compte les facteurs plus généraux qui favorisent la santé mentale. Il s’agit notamment d’intégrer la promotion de la santé mentale dans les politiques et programmes des secteurs public et non gouvernemental. Outre le secteur de la santé, il convient d’associer aussi les secteurs suivants : éducation, emploi, justice, transports, environnement, logement et protection sociale.
La promotion de la santé mentale repose pour une large part sur des stratégies intersectorielles. Parmi les moyens concrets propres à favoriser la santé mentale, on peut citer : les interventions dans la petite enfance (p. ex. visites à domicile pour les femmes enceintes, activités psychosociales avant la scolarisation, interventions combinant aide nutritionnelle et aide psychosociale à l’intention des populations défavorisées) :assistance aux enfants (p. ex. programmes d’acquisition de compétences, programmes de développement de l’enfant et de l’adolescent);accès à l’autonomie socioéconomique des femmes (p. ex. amélioration de l’accès à l’éducation et dispositifs de microcrédit); accompagnement social des personnes âgées (p. ex. initiatives visant à favoriser les contacts amicaux, centres communautaires de jour pour les aînés); programmes à l’intention des groupes vulnérables, notamment les minorités, les populations autochtones, les migrants et les victimes de conflits et de catastrophes (p. ex. interventions psychosociales au lendemain de catastrophes); activités de promotion de la santé mentale en milieu scolaire (p. ex. programmes favorisant le changement de comportement à l’égard de l’environnement dans les établissements scolaires, et écoles accueillantes pour les enfants); interventions en santé mentale sur le lieu de travail (p. ex. programmes de prévention du stress); politiques du logement (p. ex. amélioration du logement); programmes de prévention de la violence (p. ex. réduire l’accessibilité de l’alcool et des armes); programmes de développement communautaires (p. ex. initiatives « Communities That Care», développement rural intégré). programmes de lutte contre la pauvreté et de protection sociale au bénéfice des pauvres ; lois et campagnes contre la discrimination ; promotion des droits, des opportunités et des soins pour les personnes atteintes de troubles mentaux.
Parlant de religion, il semble que les discussions sont toujours sur la table. Quel est le véritable souci ?
Certains religieux refusent que soit appliqué dans son intégralité le protocole de Maputo. Nous consultons, nous élaborons des programmes de CVTA (Clarification des valeurs et la Transformation des Attitudes) à l’endroit des religieux sont en vue de rapprocher les parties.
Comment pouvez-vous expliquer ce taux de mortalité maternel aussi inquiétant dans notre pays ?
Le taux de prévalence de 645 décès maternel pour 100 000 naissances s’explique par le fait que la Côte d’Ivoire se caractérise par d’importantes disparités en matière de disponibilité des personnels de santé : la répartition des personnels de santé reste extrêmement inégalitaire entre zones urbaines et rurales et entre régions. À cette inégale répartition des ressources humaines en santé font écho des disparités significatives en matière de prévalence contraceptive). Enfin, la Côte d’Ivoire dispose d’une population très jeune : d’après le dernier RGPH (2014), les moins de 14 ans constituaient 42% de la population totale et les 15-34 ans, plus de 35% de celle-ci. Les adolescentes et les jeunes, et en particulier les jeunes filles, sont souvent en situation de grande vulnérabilité en matière de DSSR/PF. En Côte d’Ivoire, leurs besoins en matière de PF restent largement non satisfaits avec des conséquences importantes sur leur santé, leur développement et leurs droits.
Par Florence Edie
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